Bonne question ! Effectivement, J’ai le souvenir, lors d’une présentation de Graphonémo, avoir été interpelée à ce sujet, par un monsieur euh… pas très commode !
– « Apprendre ou jouer ? Ma chère Madame, vous mélangez tout ! Arrêtez de tromper les enfants : l’apprentissage, que diable ! C’est du sérieux. »
Je lui aurais bien répondu que le jeu aussi, c’était éminemment sérieux et qu’il suffisait d’observer la tête du joueur de poker misant « tapis » pour s’en convaincre, mais n’ayant pas la répartie facile je me suis contentée de lui expliquer pourquoi je m’évertuais tant à tout « mélanger ».
Apprendre à lire ? Encore ?
Enseignante spécialisée, les enfants qui m’étaient confiés l’étaient le plus souvent en raison de leurs difficultés persistantes pour apprendre à lire. Ces difficultés ne dataient malheureusement pas d’hier : adressés au RASED au CE1 ou plus tard encore, ces petits accumulaient des ressentis d’échec depuis la GS… J’avais beau afficher mon plus beau sourire en leur expliquant qu’ils fréquenteraient ce groupe d’aide deux fois par semaine pour apprendre à lire, je ne suscitais pas vraiment l’enthousiasme. Meurtris par deux ou trois années de tentatives infructueuses, de déceptions, de honte parfois, ces enfants ne pouvaient plus entendre qu’on allait les aider à apprendre ! Voilà pourquoi, Monsieur, j’avais décidé de changer ma pratique : dans mon groupe, on allait jouer… pour apprendre à lire.
Ferrer le poisson ?
Avais-je vraiment trompé les enfants ? Une chose était certaine : pour jouer, ils étaient partants ! La motivation pour l’activité s’avèrerait-elle suffisante pour entraîner l’apprentissage ? La préférence des enfants pour le jeu ne prédit malheureusement pas la réussite des apprentissages, mais le stress lui, y nuit vraiment. Alors voyez, Monsieur, je n’avais pas le choix : le jeu était le seul sas d’entrée possible, il fallait que je réapprenne aux enfants le plaisir que l’on ressent quand on réussit.
C’est pas grave puisqu’ on joue !
Les enfants de mes groupes d’aide étaient terrorisés à l’idée de se tromper. Il faut dire que dans le domaine, ils avaient de l’expérience et on leur en avait sûrement et trop souvent fait la remarque. Les supports ludiques papier (jeux de cartes de lettres, de syllabes, jeu de lotos de mots etc.), tout comme le serious game Graphonémo leur ont permis d’oser, de se risquer à dire, à faire et à lire. Pourquoi ? Tout simplement, Monsieur, parce qu’ils n’avaient plus à leur côté une enseignante correctrice d’erreurs mais un partenaire de jeux.
Vive le jeux numérique !
Apprendre avec un jeu physique est pour moi une bonne approche quand on s’adresse à des enfants en difficulté. Mais, il se pourrait bien aussi, mon cher monsieur, que le numérique offre encore d’avantage d’opportunités de faire l’expérience de la réussite. Le jeu sérieux permet à l’enfant de travailler en toute autonomie, en échappant au regard de ses pairs (parfois narquois ?!) ou de son enseignant (possiblement affligé ?!) et permet à l’élève de tirer profit d’un feedback immédiat.
En élaborant le jeu, nous n’avons pas été avares de renforcements positifs, car nous savons qu’un « premier succès peut en engendrer d’autres » et qu’il est fondamental de ne pas entretenir l’échec.
On joue, mais pas que …
Pour que le jeu soit réellement un outil d’apprentissage, il paraît important qu’il soit suivi d’un « debriefing ». Qu’il s’agisse d’un jeu Papier ou d’un jeu numérique, l’idée est la même : après la phase de jeu, il convient de mettre en mots, ensemble, ce que l’on a essayé de faire, ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas marché.
De cette façon, on va permettre aux enfants de comprendre comment ils ont fait en jouant et c’est de cette réflexion que va venir l’apprentissage.
Qu’importe le flacon…
Un dernier mot, Monsieur : A dire vrai, ce ne sont pas tant les moyens, technologiques ou non, qui comptent réellement dans les apprentissages mais plutôt leur qualité, leur pertinence, leur adéquation au but à atteindre. Le jeu sérieux se doit d’être au service de la pédagogie et du bonheur d’apprendre.