L’approche ludique imaginée en tandem avec Sylvie fonctionne. Mathieu la trouve intéressante et il mesure assez rapidement les progrès de ses élèves. Ouf ! Mes impressions sont partagées par un autre professionnel.
Quand la pédagogie se heurte à la difficulté de sa mise en oeuvre
Le fonctionnement du pédago-jeu que nous avons imaginé nécessite de travailler en ateliers. Si celui dirigé par le maître ne pose aucun souci, les ateliers qui laissent les élèves gérer le jeu de façon autonome génèrent beaucoup de bruit. Nos bambins ont quelques problèmes à contenir leur frustration lorsqu’ils perdent. Il n’est donc pas rare de voir un plateau de jeu ou une poignée de dés voler dans la classe ! Parents, souvenez-vous ! Ne me dites pas que cela ne vous rappelle pas votre dernière tentative de « soirée – jeux de société », où tout commence bien mais où le petit dernier finit en pleurs estimant être désavantagé par son jeune âge, ses bras plus petits que ceux des autres pour atteindre le buzzer ou que sais-je… Ces soirées où du coup on pénalise quelque peu l’aîné dans un souci d’équité – points d’avance ou chrono avantageux pour le cadet- et où, malgré tous ces efforts, le jeu se termine en pleurs. On veut vraiment lutter contre l’omniprésence de l’écran dans nos familles mais on doit malheureusement admettre l’évidence : une fois qu’on solutionne le problème du choix du programme, devant l’écran tout devient simple et calme, comme par magie.
Entre résignation et évolution
L’idée de départ était pourtant plutôt sympa. Le maître animant un atelier avec avec 4/5 élèves et les autres enfants en situation de jeux variés : mémory, jeu de l’oie, bataille, loto.
J’avoue moi-même ne pas avoir bien compris au début pourquoi cela ne fonctionnait pas. En maternelle, ils travaillent pourtant toute la journée de cette manière. Mais en primaire, il semble qu’on ne sache plus faire.
Nous avons persévéré quelque temps puis, peu à peu, les activités proposées sur ces ateliers autonomes ont évolué pour finir par trouver une stabilité lorsque nous avons conçu des fiches de travail. Nous étions bien loin de l’idée originelle de Sylvie : l’apprentissage par le jeu.
En fin d’année, nous faisons le bilan. En me basant sur le retour de cet unique enseignant, je propose, dans un bref éclair de génie ou de folie (à vous de voir), de créer un logiciel reprenant les principes de la méthode. Je voulais créer un jeu vidéo avec l’idée de conserver le côté ludique de la méthode que nous avions dû mettre de côté à regret.
Partage pédagogique
Juin 2017, quatre enseignants choisissent d’adopter la méthode papier à la rentrée. Bon évidemment, c’est une excellente nouvelle ! On convertit à petits pas les enseignants et on met ainsi en route une petite révolution pédagogique pour l’apprentissage du code alphabétique.
Ça, des idées j’en ai ! Mais pas vraiment les moyens de les mettre en œuvre.
Je m’engage pour septembre à réaliser un logiciel qui solutionnerait les limites rencontrées cette année sur le papier. Et en plus, j’argumente ! Je plaide la nécessité d’intégrer de la nouveauté dans un contexte particulier d’enseignement propice aux ateliers : le dédoublement des CP (effectif passant à 12 en REP+), nouvelle norme votée par le gouvernement. Ça y est je commence, sans m’en rendre compte, à tirer les ficelles politiques pour servir mes convictions pédagogiques.
Folie douce ou douce folie
Je deviens un bébé « entrepreneuse ». Je relève ainsi leur défi d’innovation et prétends pouvoir jouer ma part.
N’importe quoi… Je crois pourtant dur comme fer en chacune des phrases que je prononce mais, avec un peu de recul, cela pourrait bien sonner comme un slogan publicitaire. Vous savez ce truc qui fait qu’on y croit parce que ça nous arrange ! Comme le « 2cm de tour de taille en moins d’un mois » lorsqu’on achète sa crème anti-cellulite en juin, quelques semaines avant de se retrouver en maillot de bain sur la plage… Et qu’on omet de lire l’astérisque qui mentionnait le nombre infiniment faible de femmes sur lesquelles ce constat avait pu être fait !
Ou bien encore les avantages économiques et écologiques qu’on prône et qu’on partage haut et fort lorsqu’on opte pour une voiture électrique, en négligeant (hélas ! pour un court moment !) le coût d’achat supérieur aux voitures traditionnelles…