Quand on touche le fond… on ne peut que rebondir, non ?
Les doutes
J’aurais dû me méfier tout de même, j’aurais dû le voir venir mais non… trop bonne trop … !
Maintenant je sais. Quand elle blablate sans une virgule, de ses projets de batchcooking, de son vernis qu’a tenu 4, non 5 jours, du blouson à franges qu’elle veut offrir à son mec, c’est qu’elle a un truc à dire, un truc qu’elle sait pertinemment que je vais avoir du mal à encaisser.
Sa technique consiste à cacher l’info dans une masse de mots avec l’espoir que je ne fasse pas gaffe. Ensuite la perfide n’a plus qu’à ouvrir ses grands yeux innocents :
Moi : Mais non je ne savais pas ! T’aurais pu me prévenir quand même !
Elle : Je te l’avais dit ! C’est que t’as pas fait attention !
C’est donc sur ce mode que j’avais eu l’info : « jeudi 28 novembre, Fabien du SPN nous a inscrites à la Battle Start Up à Bordeaux. Tu viens avec moi ! ça m’encourage ! T’inquiète, JE vais gérer, tu m’accompagnes juste. »
1er doute : Si Fabien nous a inscrites, c’est quand même possiblement après quelques échanges … non ? Bon, allez passons ! J’accompagne, juste. Elle l’a dit.
La veille on bosse ensemble, au SPN précisément. Fabien s’inquiète :
– « Vous êtes prêtes ? Le pitch de 30 secondes ? C’est bon ? Nickel ? »
– « Nickel » répond l’immonde écho.
Je t’enverrai ce soir, me dit-elle en aparté, les thèmes sur lesquels JE parlerai, le pitch que JE ferai.
Le soir … rien. Enfin juste un SMS : « trop crevée, je te donne ça demain matin de bonne heure ».
2ème doute : qu’elle soit lessivée, ça je le crois, mais au point de ne pas cliquer sur son pitch de 30 secondes pour me l’envoyer… ça sent le gaz. Je me couche mais je ne dors pas. Hantée par les doutes.
La vérité si je mens
Effectivement lematin : RIEN. Ni à 6h, ni à 7, ni à 8. Ni après la douche, zéro. Je laisse tomber, ferme l’ordi. C’est l’heure de partir.
C’est à 10h que tombe le SMS :
Si tu es ok c’est toi qui présenteras notre projet en 30s car tu es plus constante que moi et je sais que si tu travailles tu n’oublieras aucun élément ce qui n’est pas certain avec moi je peux faire un truc bien comme tout rater et sur ces 30 s ce serait rédhibitoire. Je te fais une proposition d’ici 10 minutes que tu adapteras à tes mots on peut décaler nos retrouvailles à 10h45 pour te laisser le temps de t’imprimer un truc si tu veux.
Bisous.
Bisous ? Bisous ? Qu’elle essaye seulement !
Quand on croit toucher le fond
Et vous le croyez ça ? Je rallume l’ordi, j’ouvre le mail, la pièce jointe, je fais chauffer l’imprimante, je regarde l’heure plus que 10 minutes, ça y est j’ai le doc.
Ah zut ! J’allais oublier : j’écris OK en réponse à son SMS.
Et je la déteste ! Et je me déteste !
Je pose le texte sur l’enregistreur vocal, prends la voiture et me le passe en boucle en roulant. Il faut que je le sache, ce pitch en 30 secondes et au rasoir.
20 minutes plus tard : Châtellerault. On covoiture direction la gare de Poitiers. Je subis l’interrogatoire et pitche devant mon chef, presque bien moi je trouve.
Pas assez bien dit l’ingrate.
On reprend, on peaufine, on réécrit, on déconstruit, on reconstruit, on se gare. On court. On grimpe dans le train.
C’est royal : 1h30 pour Bordeaux et pour apprendre un texte qui sera dit en 30 secondes, c’est pas la mer à boire.
Le problème c’est que ma mémoire est pleine du premier laïus, je fais tout pour l’effacer, pour l’oublier, mais rien à faire, plus la moindre plasticité dans ce vieux cerveau rouillé. Plus qu’une solution : s’installer au fond du train, seule et face à la vitre, et parler à mon reflet.
J’ai fait ça. Si c’est pas toucher le fond ?
Et le fond du fond
Fière ! Je suis trop forte. Je pitche devant mes deux tortionnaires (souriants qui plus est) et … ils opinent. C’est bon ! Parfait ! Je savais que tu y arriverais disent ces deux implacables Raminagrobis : « Jetant d’un coup de griffe des deux côtés en même temps », ces deux perfides affirment qu’il me reste royalement 10 minutes pour écrire les 30 secondes du pitch de conclusion.
J’ai gagné !
On a perdu la Battle, c’est un fait. Mais personne ne pourra me retirer mon sentiment de victoire !
Moi qui crois dur comme fer aux bienfaits du processus de révision, qui ne peux livrer un écrit qu’après avoir relu et relu, j’ai écrit et dit ce texte dans l’urgence de l’entrée du TGV en gare de Bordeaux.
La lutte contre l’illettrisme c’est 7 millions de personnes qui vivent une situation de handicap sans compensation.
Nous, nous naviguons entre l’expérience et la science, l’intuition et l’intelligence artificielle, l’idée étant de faire de nos outils des aides non pas pour tous mais pour chacun.
Il y a un an et trois mois, nous ne voulions pas être entrepreneuses, il y a un an, nous ne savions pas comment l’être. Aujourd’hui la question est comment le rester et faire vivre notre Why !