Dure bataille en Nouvelle Aquitaine
DU RÊVE…
Début septembre un mail arrive, il provient de Fabien Audat, du SPN. La dernière fois que je vous ai parlé d’un de ses mails je me retrouvais à un Start up week-end et mon âme d’entrepreneuse naissait.
Je parcours vite fait. Le mail évoque un évènement qui met en concurrence des start-ups de la Nouvelle Aquitaine incubées depuis moins d’un an et pas seulement dans le domaine des Ed Techs.
J’avoue volontiers que ce terme de « start-up » n’a pas beaucoup de sens pour moi.
Nous sommes une entreprise, oui. Et on doit assurer le « start », certes. C’est notre priorité quotidienne, d’accord. Mais pourtant, cela reste encore pour nous bien secondaire à notre « Why » : offrir la ressource de qualité pour l’apprentissage de la lecture.
Quelques semaines après, je retombe sur ce mail. Je demande à Fabien de nous inscrire. Allez ! Après tout, c’est en multipliant les expériences qu’on grandit. De plus, nous avons besoin de visibilité, de notoriété pour ne pas mourir dans l’œuf ! Il y a quelques jours on nous a même dit : « Vous avez avancé jusque-là dans votre zone de confort en réussissant un déploiement sur les villes de Châtellerault et de Poitiers, il faut aller plus loin ! »
Sylvie et moi, nous n’avions pas vraiment l’impression d’être dans nos chaussons en œuvrant pour l’obtention de ces contrats de vente et en travaillant pour les signatures des conventions concernant les villes de Poitiers et de Châtellerault, mais nous convenons volontiers d’avoir commencé en local.
Sylvie, je ne lui en parlerai que si on va à l’étape suivante, le temps nous manque et j’aime bien lui faire des surprises de temps en temps !
Fabien m’appelle un vendredi soir. On est sélectionnées pour les 8ème de finale à Bordeaux et si on pitche bien, la demi-finale s’ouvre à nous. Le gain de la finale, c’est le CES (Consumer Electronic Show), à Las Vegas…
Oh là, là ! Las Vegas, ce serait complétement surréaliste !
… À LA RÉALITÉ !
Pas beaucoup de temps pour se préparer : dans quelques jours, c’est le salon Educatec-Educatice, on s’occupera de ce dossier après.
Mais l’heure tourne et les jours défilent : 6 jours avant, Fabien m’envoie le règlement de ce concours « start up battles ». Soucis d’adresse internet et ce n’est qu’à 22h que je découvre le pot aux roses, que je blêmis devant mon ordinateur en blâmant mon innocence. La panique m’envahit complétement : après deux jours à Paris, passés à assurer la promotion de notre projet, immédiatement enchaînés à une journée de classe rythmée, je ne parviens plus à gérer cette alternance de mes deux mondes : l’enseignement et l’entreprenariat. Je ferme l’ordinateur, me garde de tout commentaire et me blottis sous la couette.
La nuit se passe péniblement. Le réveil, guère mieux. Là, je ne fais pas vraiment la maligne.
1/ présentation en 30 secondes : ok ! C’est un challenge mais je viens de relever celui de la présentation avant le speed dating à Educatice, en 90 secondes, à froid, sans aucun entraînement faute de temps
2/ round de 45 secondes sur un thème tiré au sort
3/ round de 45 secondes sur un second thème
4/ round de 45 secondes de notre structure d’accompagnement : là, on se met en roue libre, Fabien : c’est pour toi !
5/ conclusion en 30 s
Les thèmes : (et ça, c’est l’angoisse) !
- Business model : ça, c’est ok, je comprends, même si c’est quelque chose qu’on questionne encore !
- Concurrence : Est-il réellement nécessaire d’en parler ? Un de nos concurrents vient de lever 5 millions d’euros… alors, si cela souligne bien l’existence d’un marché, l’écart entre l’épicerie du village et la grande distribution est immense. Et l’épicerie, c’est nous !
- Marché : On sait où il se trouve, cela ne fait aucun doute, mais depuis quelques mois, on prend aussi la mesure de la difficulté pour le saisir. Comment évoquer cela en seulement 45 secondes ?
- Market Fit : Oh ! C’est un nouveau celui-là ! Le « product market fit », on nous a déjà expliqué le concept, mais ici, quels sont les attendus ?
- Seuil de rentabilité : Aucun souci ! J’ai un joker, notre cabinet comptable vient de reprendre le prévisionnel.
- Traction : On parle de quoi, de voitures ? On ne tracte rien, nous, si ce n’est les défis qui se succèdent !
- Scalabilité : Le mot qui va de pair avec start up, il faudra sortir des chiffres et des gros si possible !
- Board and advisor : Alors là, je touche le fond, 17 au bac en anglais et pourtant de cette langue, j’ai l’impression de ne rien connaître !
- Acquisition et rétention : bon, en fait, l’anglais n’est pas en cause ! Même en français, les choses ne me parlent pas davantage.
Et, cerise sur le gâteau, la phrase qui clôture le mail de Fabien : « Avec ça, je me sens un peu piteux pour vous souhaiter un bon week-end ! »
Effectivement, on est maintenant dimanche, les battles sont jeudi et j’ai omis de transférer toutes ces informations à Sylvie : je dois la préserver ! Pour moi, le week-end s’achèvera avec la déclaration de TVA et la première avec du chiffre d’affaire s’il vous plaît ! Et même s’il ne dépasse pas les trois chiffres, eh bien, on peut quand même en parler !
ET DE LAS VEGAS À SENILLÉ !
Je m’aide d’un outil qui me permet de voir les choses un peu plus clairement depuis quelques semaines : X-mind. C’est Lucien qui nous a branchées dessus en mars. J’écris au centre le mot « Battle » et à partir de là, je décline en quelques points clés chacun des thèmes pour lesquels le concept fait sens.
Sans que je m’en aperçoive, nous voilà au jeudi matin. 30 secondes pour le pitch de départ, c’est vraiment court : pas le droit de se louper ! Sylvie étant la plus scolaire de nous deux, je lui confie l’affaire.
Trois thèmes restent obscurs mais ce n’est pas un souci, 1h30 de train avec une personne compétente dans le domaine et qui connaît parfaitement le projet… on se détend, on respire, et Sylvie semble bouder au fond du train.
Nous voilà maintenant à Bordeaux et nous cherchons le champ de bataille. Moi qui croyais que les femmes étaient nettement moins bien outillées que les hommes au niveau du sens de l’orientation je m’aperçois qu’il ne s’agit que d’un complexe totalement infondé, n’est-ce pas Fabien ?
On arrive sur un plateau TV à l’école de journalisme de Bordeaux, juste sur le fil. Le temps d’écouter le discours d’entrée et les thèmes proposés… et là… je découvre en quelques secondes que ceux que j’avais préparés ne correspondent pas à ceux qui tout à l’heure, nous seront demandés.
Si pour certains thèmes des ponts sont possibles en terme de contenu, il y en a deux totalement différents : écosystème (c’est celui sur lequel on tombera en premier) et anecdote.
Au final, ce n’est pas vraiment cela qui aurait pu nous faire perdre ou gagner. L’idée est ailleurs. On a perdu, c’est vrai, mais on a eu le plaisir de susciter le débat : Business international versus mission citoyenne. Quoi qu’il en soit, je peux vous assurer qu’en terme d’anecdote, celle de cette Battle restera dans les annales de Magik Éduk. À nous de réussir à l’écrire pour pouvoir la pitcher en 45 secondes !