Ma fille, qui est en GS ronchonne et dit qu’elle ne veut plus apprendre à lire ! Je suis allée voir sa maîtresse. Son enseignante m’a expliqué qu’elle pratiquait, en classe, des entraînements à la conscience phonologique et qu’effectivement, ma fille n’y arrivait pas bien. Comme elle avait vu que cela lui faisait de la peine, elle a voulu l’encourager en lui disant que ces activités-là l’aideraient à apprendre à lire.
Eh bien ! on dirait que c’est raté !
Qu’en penses-tu ? Est-ce que je peux faire quelque chose ?
Conscience phonologique et apprentissage de la lecture
L’enseignante a pourtant raison ! Entraîner la conscience phonologique c’est une bonne idée pour préparer l’enfant à lire.
L’existence d’un lien fort entre conscience phonologique et acquisition de la lecture est un fait bien documenté par les recherches en sciences cognitives et ce depuis maintenant très longtemps ((Bradley & Bryant, 1983). Aussi depuis plus de 20 ans, des entraînements sont menés dans ce domaine dès la maternelle.
« L’unité la plus aisément perceptible est la syllabe » (Programme du cycle 1). Une fois que les enfants sont capables d’identifier des syllabes communes à plusieurs mots, de les isoler, ils peuvent alors s’attacher à repérer des éléments plus petits qui entrent dans la composition du mot.
Conscience phonologique ou conscience phonémique ?
On entraîne la conscience phonologique quand on dit des comptines aux enfants, avec des petites phrases qui riment, quand on joue à compter les syllabes dans un mot ou à chercher des mots qui commencent ou qui finissent par la même syllabe. On les entraîne à écouter les mots et possiblement, on les conduit à prêter attention et analyser le bruit des mots d’une manière générale. Cela a bien évidemment à voir avec la langue écrite qu’ils apprendront plus tard, puisque la langue écrite va coder l’oral. Mais voilà, le secret de notre langue alphabétique n’est pas la syllabe mais le phonème.
La conscience phonémique c’est l’habileté à repérer ces tous petits bruits de la langue, parfois très difficiles à percevoir quand on ne peut pas les prolonger comme les phonèmes consonantiques. Les études en psychologie cognitive attestent du lien entre conscience phonémique et lecture : les entraînements de la conscience phonémique menés en maternelle ont bien des effets positifs sur l’apprentissage de la lecture. Alors : entraînons ! Oui mais…
Repérer le phonème à l’oral : une tâche bien trop difficile ?
Pour certains enfants, il est extrêmement difficile de comprendre et repérer cette toute petite unité pourtant fondamentale à la mécanique de notre codage écrit. Les activités menées en maternelle, à l’aide de nombreux outils bien connus et largement utilisés dans les classes, sont pourtant pour un trop grand nombre d’enfants l’occasion de connaître leurs premiers échecs. En effet, l’appréhension des phonèmes est une activité très ardue si on n’a pas déjà été initié à la lecture. Le phonème est certes une unité de l’oral, mais ne peut se conceptualiser que par le biais de l’écrit. Pourquoi alors s’entêter à ne travailler la conscience du phonème purement à l’oral ? Comment ne pas s’étonner de ces injonctions des programmes demandant la pratique des entraînements « toujours sans support matériel, ni écrit ni imagé ». D’autant plus que les études montrent que l’efficacité de ces activités augmente si on les accompagne de l’utilisation des lettres qui vont aider l’enfant à fixer les référents des unités phonologiques. Les entrainements phonémiques sont également plus efficaces quand ils s’accompagnent d’une initiation au langage écrit, par exemple aux lettres. ( Bosse M.L, Zagar D., 2016).
En quelque sorte, ce serait l’apprentissage d’une écriture qui doit coder des phonèmes qui permettrait d’accéder à la conscience même de ces fameux phonèmes.
Comment faire ?
L’idée est simple : Pour comprendre la relation entre lettres et sons, l’enfant a besoin des lettres et des sons !
Il suffit d’accompagner les activités habituellement menées dans le domaine de l’oral, des mots écrits. Les enfants éprouveront bien moins de difficultés si on les entraîne à conceptualiser le phonème [ʒ] par exemple en leur présentant des paires minimales écrites.
Dans ce va et vient constant entre le vu et l’entendu, chaque enfant pourra à son rythme comprendre le phonème à partir de l’écrit.
Essaye avec ta fille et tu verras !