Retour sur les bancs de l’école
En 2015, je rejoins un RASED (Réseau d’Aide Spécialisé pour les Elèves en Difficulté) pour me spécialiser à nouveau. J’avoue franchement que c’est un nouveau métier auquel je me forme en candidat libre, avec passage d’examen au bout. Je suis enseignante depuis 8 ans et j’ignore pratiquement ce qu’est un enfant « ordinaire ». En effet, j’ai choisi d’enseigner à des enfants présentant des troubles des fonctions cognitives. Des termes un peu obscurs pour dire que ces enfants ont bien du mal à apprendre et que cela aura indéniablement des répercussions sur leur vie d’adulte.
Ces enfants m’ont appris que la résignation ne peut pas aller de pair avec l’apprentissage. Ils ont tous progressé et parfois de façon surprenante.
Une rencontre déterminante
Je rencontre alors Sylvie Meunier, enseignante spécialisée à dominante pédagogique (maîtresse E). Ce petit bout de femme impose le respect parmi ses collègues. Bah oui, elle n’est pas très grande en taille Sylvie ! Une pointe d’humour, un poil acide parfois, fait dire à certains qu’on ne comprend rien quand elle parle. Certains me disent : « toi aussi quand tu seras maîtresse E, on ne comprendra plus ce que tu diras ou écriras ».
C’est vrai que, niveau lexique, ça claque. Parfois en rentrant à la maison, je demande des explications à mon ami Google qui ne parvient pas toujours à m’aider.
En tout cas, niveau apprentissage de la lecture elle en connaît un rayon. J’avais bien réussi à apprendre à lire à mes élèves auparavant, mais quand je l’écoute je comprends que j’aurais pu m’y prendre différemment pour leur rendre la tâche plus aisée.
Je découvre l’approche Meunier
J’ai envie d’en savoir plus, de comprendre comment elle s’y prend. Mais je suis un peu comme St Thomas je ne crois que ce que je vois… Sylvie m’offre alors la possibilité d’enfiler ses chaussons en l’accompagnant sur des actions de prévention auprès d’élèves de CP.
Je parviens à rentrer dans la logique de son approche, je l’observe et je mets en pratique. Je trouve sa pédagogie un peu redondante et cet aspect me dérange un peu. Mais bientôt les enfants me font des remarques sur la langue écrite qui me surprennent. Ils s’interrogent sur l’orthographe. Ils combinent vite… Ils entrent littéralement dans la lecture en quelques semaines.
Je reviens de mes séances avec le sourire et en faisant mes rapports à celle que je considère déjà comme un mentor. J’utilise déjà naturellement le mot « magique » à plusieurs reprises.
On ne renonce pas à une passion
Une collaboration bien trop courte qui me laisse sur ma faim lorsqu’en juin Sylvie met fin à sa carrière pour aller… faire des confitures ! Des confitures ? J’ai longtemps pris cela comme une manière de se détourner trop vite de ce métier qu’elle exerçait avec tellement de passion. Oui, nous avons passé un certain nombre de pauses déjeuner ensemble et je dois dire qu’au vu de ce avec quoi elle se nourrissait – carottes râpées industrielles (en toute saison et plusieurs fois par semaine !), fruits et chocolat – ses talents culinaires ne ressortaient pas vraiment. Un jour, je lui ai demandé :
Que vas-tu faire de tout ce travail maintenant ?
Ben… euh… rien !
Septembre 2016, après un été bien compliqué dans ma vie personnelle, je repars sur les bancs de l’école, seule et sans mentor. Mais finalement, Sylvie ne raccroche pas comme ça. C’est une passionnée. Pendant des semaines, elle met méticuleusement au propre sa méthode puis elle la présente à une maison d’édition qui ne lui adressera pas de réponse.
Sur le terrain pourtant, l’approche de Sylvie continue à faire mouche et Mathieu Sourbier enseignant de CP sera le premier collègue à s’en emparer. Oui mais…